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    Nos sociétés africaines peuvent-elles relever le défi du multiculturalisme ?


    Les événements récents en Centre Afrique et au Soudan du Sud, lesquels s’ajoutent à une liste déjà longue d’atrocités commises au nom de considérations religieuses, culturelles, ethniques suscitent bien d’interrogations.

    Bien entendu partout dans le monde les frictions entre les cultures qui ne partagent pas les mêmes valeurs engendrent des tensions qui débouchent aussi sur des confrontations sanglantes. Mais c’est leur caractère répétitif et insoutenable dans nos pays qui nous amène à nous demander si les douleurs de l’enfantement d’une société multiculturelle, respectueuse des diversités, seront autrement pénibles en Afrique. Cette question est d’autant plus embarrassante pour nous autres africains que nous soutenons que notre continent est une terre d’hospitalité, le lieu des liens communautaires forts.

    Il y a en effet de ces images de corps mutilés et de ces scènes d’hommes armés de machettes et poursuivant leurs voisins pour les tuer des plus macabrement, qui nous interdisent désormais de parler de nos sociétés comme étant des sociétés ouvertes, tolérantes et prêtes à accepter n’importe qui. Et ce ne sont pas ces séquences désormais caractéristiques des nouvelles du continent, montrant des communautés étrangères, le plus souvent sous régionales, assis sur des baluchons, attendant leur évacuation, à la moindre crise, qui nous diront le contraire.

    S’est on trompé sur ce que nous sommes réellement ou ce sont les changements qui nous ont pris de court ?

    Quoi qu’il en soit nos sociétés se sont cloisonnées en des groupes ethniques, religieux, et que sais-je encore, qui, non seulement n’ont pas de rapports francs les uns avec les autres, mais également entretiennent des opinions faites de partis pris les uns sur les autres. Et cela fait l’affaire des politiques qui utilisent leur appartenance à tel ou tel groupe ethnique ou religieux pour parvenir à leur fin.

    En fait les liens communautaires forts dont nous parlions n’existent qu’à l’intérieur des communautés et sont presque inexistants entre les communautés elles-mêmes. Et c’est cela, je crois, qui exacerbe les violences communautaires. On appartient à une ethnie, à une religion et non à un pays. Les politiques de développement, si elles existaient dans nos pays devraient pallier à ce dysfonctionnement en fédérant les forces vives du pays autour d’une vision commune de ce qu’on veut devenir. Nous vivons désormais dans un monde d’idées, et les sociétés qui ne sont pas prêtes à considérer les bonnes idées d’où qu’elles viennent seront toujours à la traine. Si les politiques refusent d’agir de manière à ce que les barrières ethniques, communautaires, religieuses ne soient plus des obstacles au développement, je crois qu’il revient aux peuples de prendre leur destin en main en instaurant des cadres de dialogues communautaires. Et les passerelles qui seront ainsi établies entre les cultures serviront de voix de résolutions des crises avant que notre raison ne s’accommode à la barbarie..


    Le racisme, quel avenir ?

    Aussi loin que la mémoire collective peut remonter, le problème de racisme s’est posé parmi les hommes, même si ces manifestations ne sont  pas les mêmes à travers les temps. Le racisme, défini comme une tendance à émettre des jugements de valeur plus ou moins négatifs sur les autres, a donc suivi l’humanité dans presque tous ces progrès sur le plan social.

    Une sculpture découverte dans le tombeau du Pharaon Ousireï, Amoneï  selon d’autres textes, montrait déjà un tableau des quatre races connues des Égyptiens, lesquelles étaient guidées par le Pasteur des peuples Horus. Evidemment, c’étaient ces Égyptiens qui étaient les plus proches du dieu, avec des traits physiques flatteurs, et ils se nommaient « Les hommes par excellence ». Venaient ensuite les autres races aux traits peu flatteurs, notamment la race blanche dont les représentants fermaient la marche et ils étaient, selon  Champollion le Jeune, « de véritables sauvages tatoués sur divers parties du corps ». Plus tard, quand le spectre de la domination échut à cette race blanche, en la personne des grecs, on postula aussi que tous ceux qui ne parlaient pas le grec étaient des barbares.

    Nous aimons tous à croire que nous sommes différents des autres, et ceci semble vrai sur le plan individuel que collectif. Et ce droit à la différence que nous revendiquons tous apparaît comme une aspiration naturelle, tout autant que le droit à la liberté que nous poursuivons tous. C’est sur le plan culturel que ce besoin se manifeste le plus ; car bien que nous ne soyons plus le fruit d’une seule culture, nous continuons à défendre nos identités culturelles comme des patrimoines inaliénables. En croyant ainsi que nous sommes différents des autres, que nous sommes « meilleurs » qu’eux, nous opérons une première hiérarchisation des groupes humains : « Nous » puis « Les autres ». Et c’est là que se trouvent les germes du racisme.  Nous sommes donc tous racistes à un moindre degré. Que celui qui n’a jamais blâmé les défauts de l’autre sur son groupe démographique jette la première pierre. Mais ce racisme primaire ou passif devrait être sans conséquence si la passion ne s’y mêlait pas. Dites-moi pourquoi un enfant qui a reçu autant du patrimoine génétique de son père noir que de sa mère blanche, et qui de surcroît a été éduqué par ses grands-parents blancs serait-il noir et non blanc ?

    Nos différences, elles sont là, sur les plans physique, culturel, émotionnel, et que sais-je encore. Mais au regard des variabilités qui peuvent exister au sein d’une même race, celles qui existent entre les races ne sont que des détails qui ne méritent pas l’attention qu’on leur accorde. Au moyen âge, les savants arabes, au fort de leur hégémonie, portèrent des jugements  dégradants sur les noirs, et sur ce, ils commencèrent la traitre négrière. S’ils se réveillaient en ce 21 ème siècle, ils seraient étonnés des jugements qu’on porte désormais sur les leurs. Je crois que s’il est une raison que soutient le racisme actif, elle ne saurait être que celle du plus fort. Les minorités sont victimes de discriminations parce qu’elles ne sont pas assez nombreuses ou assez fortes pour se défendre. Et Dieu seul sait que tous les peuples, mêmes les plus « civilisés » de nos jours peuvent un jour devenir moins influents comme tant d’autres. La régression est un phénomène naturel. Des peuples, comme les grecs, qui se battent désormais pour exister, ne serait-ce qu’en une société viable, ne nous diront pas le contraire.  Qui eût cru que les descendants des Incas et des Aztèque seraient un jour « des sauvages » pour certains ; que les noirs, qui ont été à l’origine de grandes civilisations en Afrique, seraient de loin « les moins intelligents » de toutes les races pour d’autres. Ne nous y trompons pas aucun peuple n’est à l’abri du racisme, et parfois peu de temps s’en faut pour s’en rendre compte. Des gens comme Arthur de Gobineau « Essai sur l’inégalité des races humaines » (1853-1855) ont voulu plaire aux leurs en exagérant les différences qu’il existe entre les races. L’Europe avait effectivement lancé ces grands travaux de civilisation des autres races à partir de ces idées. Mais, moins d’un siècle plus tard, l’Allemagne nazi s’inspira de ces mêmes idées de suprématie d’une certaine race pour mettre cette Europe à feu et à sang.

    Qu’ils nous étonnent, les défauts des autres. Rions en si le cœur nous en dit, et s’il arrivait que notre intégrité en tant que société libre soit menacé par quelque intégrisme, combattons les individus et non les races. Mais faisons toutes ces choses comme des hommes. C’est-à-dire en laissant un bon exemple à suivre par la postérité. On dit chez moi que c’est au bout de l’ancienne corde qu’on tisse la nouvelle. Si nous voulons qu’un jour la passion ne prenne plus le pas sur la raison pour faire d’autres victimes en matière de racisme, d’ethnocentrisme alors c’est aujourd’hui que nous devons tous agir.

    Métissage ou hybridation culturelle, une option ou un fait.

    En ces temps où les États remettent en cause leur politique culturelle, jugée trop laxiste.

    En ces temps où la cité se demande s’il n’est pas du bon ton de réaffirmer son identité culturelle pour rappeler à l’extrémisme qu’il n’est pas en territoire culturellement vierge, je crois qu’il serait profitable pour la cohésion de nos sociétés de voir si nous n’exagérons pas dans ce débat identitaire qui surgit de nouveau et qui pousse encore tout le monde vers les extrémités.

    Ne nous y trompons pas, aucune société ne ressemble pas, trait pour trait, à une autre. Elles ont toutes des traits distinctifs dont elles sont fières comme si elles ne pouvaient exister qu’en étant différentes les unes des autres. Mais ces particularités suscitent aussi des jugements de valeur de la part de ceux qui ne les comprennent pas. Certains, en effet, pensent, agissent et même disent vertement que toutes les cultures ne se valent pas. Sous-entendu que certaines doivent être interdites. Et d’autres, par amour pour ces cultures méprisées, lesquelles incarnent leur vision du monde ; et par peur d’être écrasés,  dépossédés de leur identité, sont prêts à commettre des barbaries. Les premiers doivent êtres combattus au même titre que les derniers, car ils apportent de l’eau au moulin de l’extrémisme, d’ailleurs ils sont aussi extrémistes.

    Non seulement le fait de dire que sa culture est supérieure aux autres n’est pas moralement acceptable, mais aussi il  ne repose sur aucune logique.

    La culture est avant tout la réponse qu’un milieu forge pour relever les défis existentialistes auxquels il est confronté. S’il est vrai que tous les milieux n’ont pas le même environnement physique et social, s’il est vrai que les défis auxquels ils sont confrontés ne sont pas les mêmes, il n’est alors pas raisonnable qu’on compare  les cultures qu’ils ont engendrées. Aussi celui qui quitte son milieu pour un autre, et qui transporte sa culture au dos comme une carapace est-il aussi blâmable que celui qui s’attend à ce que quiconque entre dans le pays laisse sa culture à la frontière comme on y laisserait un objet prohibé.

    Il est vrai qu’il fut un temps où nos sociétés étaient plus ou moins homogènes. Mais la mobilité des personnes, le développement des moyens de communication ont rapproché les hommes, leur manière de vivre. Ils ont fragmenté les frontières culturelles à ce point qu’on se demande si celles-ci continuent d’exister telles que nous les supposons. Oui, il est bien loin ce temps où on pouvait se réclamer d’une seule culture. Nous sommes, en fait, devenus des arlequins, habillés de tissus de couleurs différentes où prédomine peut être une couleur que nous appelons injustement notre culture, et que nous défendons, peut être par vanité, comme constituant notre identité culturelle. Reconnaissons toutefois qu’il est de ces vanités qui ont le charme des sentiments nobles et qu’il faudrait  mieux garder. Si un buisson vous garde du danger, c’est en termes de forêt que vous devez en parler, dit-on chez nous.

    L’hybridation culturelle n’est plus une option, c’est un fait que nous vivons, et on ferait mieux de le reconnaitre. Il ne s’agit nullement de s’intéresser à la culture de l’autre parce qu’il faut le faire, mais de faire l’effort de synthèse que le monde globalisé exige désormais de tous les hommes, mais de donner à l’autre l’opportunité d’exprimer lui aussi sa vanité,

    Ne permettons donc pas que des nostalgiques d’un autre âge, d’un bord comme de l’autre, viennent distraire cette marche comme si nos cultures n’étaient pas appelées à évoluer. Nos sociétés produiront toujours leur Mohammed Merah et leur Anders Behring Breivik, pour qui  la défense des valeurs culturelles ne sera qu’un prétexte pour exprimer leur cruauté. Mais c’est notre fermeté et notre impartialité face à ces crimes qui décourageront d’autres.

    Komlan morgah

    A-t-on besoin d’imposer sa culture aux autres

    Nous grandissons tous en prenant les éléments de notre environnement pour des  modèles. Cette influence que notre communauté, notre culture devrais-je dire, exerce sur nous, affecte aussi nos jugements. Et il n’est pas rare que nous définissions le beau uniquement avec  les  valeurs que nous côtoyons, oubliant que ce beau pourrait aussi exister ailleurs si nous y étions. Le mal est que nous sommes parfois si convaincus de la prééminence de nos valeurs culturelles que nous nous offensons que les autres ne les partagent pas, d’où le désir de les imposer, et par la force si nécessaire. L’histoire est presque faite des ravages que ce conditionnement culturel  orchestre. Ceux, par exemple, des nations européennes qui ont déstructuré bien des régions partout dans le monde en y imposant leur culture. Ceux de Hitler qui a voulu assurer la suprématie de  la race aryenne, sa haine pour les juifs, tout simplement parce qu’ils sont juifs. Même les génocides rwandais, arménien, bosniaque ce sont nourries de ce mépris pour la culture de l’autre. C’est dire que si rien n’y est fait les hommes vont toujours commettre des barbaries au nom de leur égoïsme culturel.
    Que faire pour que le respect et l’acceptation de la culture de l’autre comme un patrimoine de l’humanité soit une tradition parmi les hommes ?
    Comment faire comprendre aux uns, qui veulent imposer leur culture, que les autres aussi sont animés des mêmes intentions,  et qu’en définitif cette manière d’agir sera une source de tension perpétuelle dans le monde.
    On dit chez nous au Togo que le teinturier n’a pas besoin de vanter son art. Celui qui pense que sa culture est la meilleure n’a pas besoin de l’imposer aux autres, car ce qui est beau se conçoit aisément, et on l’accepte facilement. C’est plutôt les mauvaises choses qu’on impose.

    Komlan MORGAH


    Komlan Morgah:   Entretien sur LCF

    Bonjour tout le monde !


    Je suis un auteur togolais, féru de la diversité culturelle, aussi vais-je de suite vous souhaiter la bienvenue dans ce blog qui se veut un lieu d’échange, un espace où l’on donnera libre cours à nos réflexions sur cette richesse qu’est la diversité.

    S’il est des aspects de la vie sur terre qui m’étonneront toujours, c’est le fait que nous ne sentions pas à l’étroit sur ce bout d’espace perdu dans l’univers, du moins pas pour l’instant. Pourtant si nous regardons notre planète flotter, telle une petite boule dans l’espace infini, la question qui nous vient à l’idée est : Comment arrivons-nous à nous accommoder à un si petit espace ? Pourquoi n’éprouvons nous pas le besoin de nous évader ? Bien entendu les hommes cherchent des preuves de vie sur d’autres planètes, mais je crois qu’ils le font plus par curiosité scientifique, que parce qu’ils veulent aller vivre sous d’autres cieux. La vérité est que notre monde est plus grand qu’il ne le semble, car la diversité qu’on y rencontre a repoussé ses limites au delà même de ses frontières naturelles. Prenons, par exemple, le contraste qu’il existe entre le mode de vie dans une capitale occidentale et celui dans un village pygmée de la forêt équatoriale ou un celui dans un village indien de la forêt amazonienne. Ce contraste est si saisissant qu’on se fait parfois difficilement à l’idée que ces deux endroits se trouvent sur la même planète. Parfois, il suffit juste de prendre un livre sur une culture méconnue où éloignée de la sienne pour retrouver cette sensation d’avoir voyagé à des années-lumière de chez soi. Ce sont, je crois, ces voyages que nous fait faire la diversité, et particulièrement la diversité culturelle, qui ôtent de notre esprit le fait que nous vivons dans un espace confiné. Aussi devrions nous tous travailler à préserver cette diversité, à défendre toute culture, même la plus insignifiante, ou la plus primitive, sinon nous ferrons disparaitre des portions de la terre chaque fois que l’une quelconque de ces cultures disparait, et nous rapprocherons ainsi de nous les murs de cette prison où nous sommes condamné à vivre. La survie d’une seule culture,  quelque épanouie qu’elle soit, constitue la plus grande menace pour la vie sur terre. Il faudrait bien qu’un jour, quand nous en aurions marre de la platitude qui nous entoure, et que nous éprouverions le désir de nous évader, nous trouvions un endroit où aller. Et ce voyage n’aura d’intérêt que si nous y trouvons des comportements, des modes vies et des manières de penser différents de ceux que nous avons quittés.

    Mon pays  le Togo, par exemple, est un petit pays mais il est grand par la diversité de ses cultures, et c’est ces nouveaux horizons que je vous convie à découvrir dans ce livre, intitulé « Etranger chez soi ». Nous y déplorons aussi le fait que certaines cultures asphyxient les autres et ce faisant appauvrissent l’humanité.

                                                                                                                Komlan Morgah